Les jardins d'Hélène

Reconnaissance - Pierre Péju

15 Août 2017, 11:24am

Publié par Laure

p. 27 : « - J’ignore complètement d’où viennent les récits pour lesquels je m’épuise à trouver des mots. Au fond, je ne crois pas que quiconque puisse inventer. Pas plus un roman qu’un conte. Comme si tout était déjà raconté quelque part. Comme si chaque récit préexistait à sa narration.
- Rien de vraiment fictif non plus, selon vous ?
- Difficile de dire quelle part de réalité est présente dans une fiction, ni quelle quantité de fiction déforme en permanence ce que nous appelons le réel.
- Vous et moi, à l’instant : êtres réels ou personnages ?
- Peut-être morts depuis longtemps. Disparus. Revenants. »

Reconnaissance - Pierre Péju - Gallimard 2017

 

Le narrateur, qui ressemble fort à l’auteur lui-même, est en train d’achever un roman. Lors d’une randonnée en montagne, il croise dans un refuge un étonnant personnage, à la recherche de son ombre et d’un pont mystérieux, ce dernier lui offre « le Cristal du Temps », un bloc transparent qui permet d’accéder à tous ses souvenirs et à tous ses rêves passés.

 

Le narrateur y plonge son regard et des moments de sa vie, réels ou rêvés, surviennent. Les fragments forment une enfilade d’histoires, pas toujours liés, le texte paraît exigeant, du moins ne se livre pas facilement, c’est l’impression que j’ai eue au départ, dans ce désordre apparent.

 

Puis l’œuvre prend davantage sens et le conte offre une réflexion sur le temps qui passe, sur la place de la mémoire et du souvenir quand on approche de la fin de sa vie, sur la part de la fiction dans la réalité, à moins que ce ne soit l’inverse.

 

Le récit dit au passage aussi les grands drames du monde contemporain. La langue est belle, souvent poétique. La fin est très belle, après une étonnante projection dans le futur. Il y a matière à relire dans cet ouvrage, et à relire différemment encore. Etrange mais touchant et remarquable.

 

 

P. 129 : « Oui, une journée vient de s’écouler. Tout est si lent, si fulgurant, et demain est si vite hier ! Pourtant c’est la possibilité de pareils instants qui augmente le plaisir de vivre. Encore faut-il savoir les accueillir, ces instants, les laisser s’approcher sur leurs pattes légères. Le bonheur ne consiste sans doute qu’en ce pur passage. Bonheur flotté sur la mer des jours. On ne se baigne jamais deux fois dans le même lac. On ne glisse jamais deux fois sur la même page, avec les mêmes mots, la même lumière. Bonheur entre les actes. Pourquoi faut-il que les signes de ces discrets bonheurs s’effacent presque aussitôt ? Pourquoi oublie-t-on si vite ces clartés singulières ? Peut-être parce que le fait de parler d’un bonheur, de l’écrire, c’est déjà déclarer sa perte. C’est ainsi qu’on se retrouve pieds nus, seul, dans la vase gluante des ratures. Bonheur volatilisé ! Car c’est volatil, le bonheur. Il suffit d’un rien pour le troubler, le fêler, le gâcher, le retourner en son contraire. »

 

p. 258 : « De la même façon que le bonheur est rétrospectif, on ne comprend souvent que tout est fini que bien longtemps après l’indication de la fin. »

 

p. 278 : « Parfois, l’éclat le plus vif provient de journées lointaines, pourtant d’une surprenante et définitive banalité. Le grand ordinaire. Les lenteurs quotidiennes. Le courant faible de la vie. On se souvient de ça mieux de tout le reste. »

 

 

Gallimard, janvier 2017, 358 pages, prix : 21 €, ISBN : 978-2-07-269735-7

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Gallimard

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Contes aphrodisiaques - Marc Haresse

5 Août 2017, 19:29pm

Publié par Laure

Il y a quelques semaines, une vague d’auteurs Librinova m’a contactée pour me proposer de lire et critiquer leur texte. Du banal et débordant dans ma boite mail, mais c’était amusant tous ces auteurs Librinova en même temps. Ils sortaient de formation "visez les blogs" ou quoi ?

 

L’autoédition et moi, ça fait deux. Lire un texte insipide, sans queue ni tête et bourré de fautes comme c’est le cas dans 99 % des cas, non merci. (Et c'est parce que j'en ai lu beaucoup que je peux l'affirmer !)

 

Et puis je ne sais pas, il faut croire que celui-ci avait quelque chose de différent, et l’extrait laissait entrevoir un récit en français correct.

 

C’est donc la seule proposition que j’ai acceptée, refusant le PDF (qui n’est pas adapté aux liseuses), spécifiant alors uniquement epub (qui n'a pas l'air d'exister) ou papier.

 

 

Ces contes aphrodisiaques, écrits sous pseudonyme, sont arrivés quelque temps plus tard.

 

*****

 

Le prologue annonce l’objectif : « vous donner du plaisir sous toutes ses formes ». « N’y a-t-il pas meilleur aphrodisiaque qu’un livre érotique qui stimule vos fantasmes et votre imagination » ?

 

Je ne suis pas sûre d’adhérer à ce préambule, ce n’est pas mon but lorsque je lis de la littérature érotique. Parfois dans le meilleur des cas un effet secondaire, mais jamais un objectif. Ou si l'on reste dans le plaisir général de la lecture et de l'imaginaire qu'il convoque, on peut dire cela de n'importe quel texte de fiction.

 

 

 

Jean invite son vieil ami Claude, septuagénaire comme lui, à l’aider à rédiger ses mémoires érotiques, ou plutôt un recueil de contes qui serait un mélange d’autobiographie, d’imaginaire et de rêve. De l’adolescence à l’âge de la retraite, Jean narrera ses épisodes sexuels (et non pas amoureux), restant extrêmement secret sur sa vie de couple et familiale.

 

L’ouverture est plutôt savante et intelligente, l’auteur a sans nul doute de la culture, littéraire, historique, politique.

 

Hélas le titre se révèle assez vite trompeur, point de contes, mais des histoires plutôt descriptives, parfois à la limite du documentaire, avec un vocabulaire très médical, on est plus proche de l’anatomie que du fantasme, point d’érotisme donc. Le dépucelage est très physiologique dans le choix des mots, et il en sera souvent ainsi, c’est propre, froid, et on finit par éclater de rire : (p.39) : « Je sortis mon pénis de la vulve de Virginie ». Moi ça ne me fait pas rêver.

 

L’auteur instaure une distance intellectuelle trop perceptible, toujours dans le contrôle et le besoin de « cérébraliser » ce qu’il raconte. Il annonce son plan comme dans une dissertation, insère des rappels historiques, ah ! la page quasi Wikipédia sur les hippies ! c’est lisse, documenté, documentaire justement, mais où est donc la fiction ?

 

 

C’est fort dommage car il y a du qualitatif dans l’écriture, mais rien de bandant, pas de frisson, pas d’émotion. Si l’artifice de la construction intellectuelle s’estompe un peu dans la deuxième moitié, l’ensemble reste trop didactique, un témoignage sociologique qui reflètera une vie sexuelle masculine au XXème siècle et au début du XXIe.

 

Toutefois j’insiste sur la qualité de l’écriture (c’est si rare en autoédition) ; il reste une bonne vingtaine de coquilles, mais du banal, des erreurs de ponctuation, de tache qui devient « tâche » sur le pantalon et perd donc son sens, une « accroc » au sexe qui n’est pas pareille qu’une accro, et quelques fautes d’accords grammaticaux.

 

 

Un document élégant sur une sexualité heureuse et épanouie, mais pour Aphrodite, on n’égale pas encore les classiques ou la Musardine et les éditions Blanche.

 

 

 

Où trouver le livre : sur le site Librinova

 

 

 

Librinova, avril 2017, 136 pages, prix : 12,90 € (1,99 € en PDF), ISBN : 9791026210184

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Librinova

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Juillet 2017 en couvertures ...

1 Août 2017, 05:29am

Publié par Laure

En juillet, j'ai lu :

 

(couvertures cliquables quand elles renvoient à un article)

 

 

                                         

   

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

                                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                       

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En juillet, j'ai vu :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Baumes – Valentine Goby

29 Juillet 2017, 13:22pm

Publié par Laure

Je ne connaissais pas cette petite collection « essences » chez Actes Sud.

 

Dans Baumes, Valentine Goby offre le récit autobiographique de son enfance, à travers le parfum et l’écriture, son rapport à son père qui travaillait dans une usine à Grasse, terre des parfumeurs, et son émancipation, tant olfactive que singulière et scripturale.

 

Elle identifie aisément chaque essence pure, et dès l’adolescence, elle voudra un parfum de femme. C’est son père qui le lui paiera, mais c’est elle qui le choisira : Paris, d’Yves Saint-Laurent. Le parfum qui la conduira aussi à la capitale plutôt qu'à la reprise de l’entreprise familiale. Plus tard, vers vingt-cinq ans, elle s’affirmera en choisissant Poème de Lancôme, que son père déteste, il lui demande même de ne plus le porter et d’en changer. Elle lui tiendra tête.

 

Le parallèle avec l’écriture et son devenir d’écrivain est omniprésent aussi. A treize ans, elle découvre le roman de Patrick Süskind, le parfum.  Page 35 : « […] dès la première page, je suis saisie à la mesure de mon arrogance : l’écriture de Süskind fabrique des odeurs ; des odeurs puissantes comme des essences pures. La langue est sa matière première. Mon père traque les plantes à parfum à travers le monde, Süskind débusque les mots dans la jungle de la langue et à la fin, tous les deux fabriquent des odeurs. Je découvre que le mot à lui seul provoque la sensation. Par l’écriture, Süskind crée le réel, et d’emblée il s’en affranchit. Une liberté pareille me colle le vertige. Süskind est l’homme le plus puissant de l’univers. Il est plus puissant que mon père. » […] « L’odeur te signe et te distingue ».

 

La langue deviendra la matière première de Valentine Goby, et ce petit opus est un très bel hommage, à son père, à la construction et l’affirmation de soi, à la littérature aussi.

 

Une belle manière de poursuivre la lecture de cette auteure.

 

 

Merci à Véro pour ce beau et symbolique cadeau !

 

 

 

Actes Sud, coll. Essences, octobre 2014, 63 pages, prix : 10 €, ISBN : 978-2-330-03689-8

 

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Actes Sud

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Le pingouin qui avait froid – Philip Giordano

28 Juillet 2017, 10:44am

Publié par Laure

Traduction d’Elisabeth Sebaoun

(pas de précision sur la langue d'origine ! mais une petite recherche sur internet précise que Philip Giordano est italien et vit au Japon !)

 

Un superbe album sur le fait de se sentir différent et l’attention portée à l’autre, mis en valeur par son grand format (35 cm), le travail des formes et des couleurs.

 

Milo est un petit pingouin qui n’aime pas le froid. Il se sent donc bien seul sur la banquise, alors que tous ses congénères plongent chaque jour dans la mer glacée pour pêcher de quoi se nourrir.

 

J’adore la bouille de ce pingouin, le choix très graphique de le faire rectangulaire, avec un mélange de cercles, demi-cercles, triangles. Le travail des volumes et de l’occupation de l’espace dans la page joue beaucoup aussi.

 

Milo rencontre une baleine sensible à son désarroi face au froid, elle l’emmène sur son dos vers une île chaude peuplée d’oiseaux et animaux multicolores. Au fil du voyage les couleurs des illustrations se réchauffent, tout comme le cœur de Milo qui fera le voyage de retour avec un beau souvenir. Et quand en plus il rencontrera alors un petit pingouin qui souffre du froid comme lui, ce sera le début, on l’imagine, d’une belle amitié.

 

Somptueux dans le travail d’illustration et le choix des couleurs, le format en adéquation, et le texte simple, doux et bienveillant.

 

 

Un aperçu du début en animation : https://vimeo.com/196789301

 

 

Milan, septembre 2016, 48 pages, prix : 14,90 €, ISBN : 978-2-7459-7813-4

 

 

 

Crédit photo couverture : © Philip Giordano et éd. Milan

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Mon carnet de lecteur et lectrice – Elisabeth Brami

27 Juillet 2017, 09:10am

Publié par Laure

Illustré par Marion Normand

 

Publié dans le même format que les premiers romans Nathan, ce carnet est fait pour être rempli par le jeune lecteur ou la jeune lectrice (à partir de 7/8 ans). Il est volontairement mixte dans son graphisme et ses couleurs et dans son texte.

 

Quelques pages liminaires pour noter ses incipit ou citations préférés, ses mots préférés ou surprenants, puis 6 pages de grilles ou trame par livre pour noter ses lectures. Les 6 pages se répètent pour garder des traces de 8 livres différents.

 

Je pense garder cette trame pour mon travail avec les scolaires, j’aime beaucoup les choix multiples des questions « pourquoi je l’ai choisi » : on peut cocher « pour faire comme tout le monde », « son odeur », « faire plaisir à quelqu’un », et plein d’autres choix plus conventionnels. A la question « Comment je l’ai lu », on peut cocher « obligé(e) par quelqu’un », ou « interdit par », « volé (hmmm !) », idem, avec d’autres choix plus classiques.

La note d’humour est bienvenue !

 

On trouve également d’autres grilles pour 3 livres non aimés, et des pages finales pour lister des envies de lecture, des envies d’écriture, des titres de futurs romans, des souvenirs de rencontres avec des auteurs.

 

Bref, un outil simple et ludique pour tenter d’accompagner la lecture, et les grands lecteurs déjà convaincus débuteront avec ce cahier et poursuivront avec des cahiers libres tout au long de leur vie…

 

Une bonne idée cadeau pour accompagner les enfants dans la lecture et développer leur goût pour les livres, et un outil qui peut servir de base de travail aux enseignants ou autres médiateurs du livre.

 

 

Nathan, juillet 2017, 96 pages, prix : 9,95 €, ISBN : 978-2-09-257616-8

 

 

 

Crédit photo couverture : © Marlène Normand et éd. Nathan

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Samedi 14 novembre - Vincent Villeminot

26 Juillet 2017, 10:39am

Publié par Laure

Vendredi 13 novembre 2015, attentats du Bataclan et en terrasses de café à Paris. B. a perdu son frère à l’une de ces terrasses. Il se fait soigner dans la nuit, une éraflure de balle, des blessures aux mains, et ne pouvant surmonter son deuil sur le moment, dans l’effroi général, s’enfuit. Dans le métro, il reconnaît un homme, l’un des terroristes de la veille au soir. Il le suit.

Commence d’abord une vengeance. Mais le terroriste est en présence de sa sœur Layla, qui n’a rien fait, elle. Le récit dérange, B. devient bourreau à son tour. C’est choquant, violent, humiliant. N’est-il pas en train de commettre pire ? comment peut-on même penser cela, qu’il y aurait une gradation dans l’acte, de torture, de terrorisme, de mort ? Mais est-on encore rationnel quand on a vu son frère mourir sous ses yeux ?

Mais l’espoir, l’humanité, émergent doucement, par la force de Layla, et l’intelligence de la jeune femme et de Benjamin. Ils ont des cultures différentes mais sont capables d’en discuter. L’évidence est là, dans le dialogue, l’ouverture, la curiosité, les désaccords, les arguments, mais quand tout cela n’existe pas, c’est la barbarie qui gouverne le monde.

Un très beau final (si l'on accepte de ne pas chercher le réalisme à tout prix) pour ce drame en 5 actes entrecoupé d’entractes qui font un focus sur des victimes collatérales ou des proches de B. En bonus, la playlist qui a accompagné l’auteur dans l’écriture. Un récit tendu, bien construit, qui glace autant qu’il redonne espoir. Un très bon roman qui se lit d’une traite.

 

 

(dès 14/15 ans)

 

Ed. Sarbacane, coll. Exprim’, novembre 2016, 213 pages, prix : 15,50 €, ISBN : 978-2-84865-922-0

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Sarbacane.

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Leur séparation - Sophie Lemp

25 Juillet 2017, 14:08pm

Publié par Laure

 

Dans ce récit autobiographique, l’auteur devenue adulte, revient sur la séparation de ses parents alors qu’elle avait 10 ans, en 1989.

 

C’est un texte court, intimiste, qui dit avec beaucoup de pudeur les émotions et sentiments traversées par la petite fille, qui comme beaucoup d’enfants, a longtemps espéré réunir ses parents. Mais ils ont refait leur vie, elle a été partagée entre les deux foyers, et les extraits du journal de sa grand-mère apportent un regard extérieur touchant.

 

Le texte sonne juste, peut porter à l’universel, mais peut-être est-ce dû à sa brièveté, je ne sais pas, s’il n’en demeure pas moins agréable à lire, il n’apporte rien de neuf à la littérature. Il touchera peut-être donc davantage les lecteurs qui ont vécu ou vivent cette séparation parentale.

 

 

 

 

 A paraitre le 07 septembre 2017.

 

 

 

 

 

Allary éd., septembre 2017, 96 pages, prix : 14,90 € (9,99 e en numérique), ISBN : 978-2-37073-147-0

 

 

Crédit photo couverture : ©  extrait de « Room in new-York », Edward Hopper, 1932, © Sheldon Museum of Art / et Allary éd.

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La nuit, la mer n’est qu’un bruit - Andrew Miller

20 Juillet 2017, 17:27pm

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par David Tuaillon

 

L’histoire commence quasi banalement : Maud, une jeune étudiante, chute sur un bateau, Tim, un jeune homme prend soin d’elle, et l’on assiste à la naissance lente d’un couple. Il est artiste, elle est scientifique, ils deviennent parents d’une petite fille.

 

J’ai aimé d’emblée ce roman, le caractère taiseux de Maud, son retrait, son entourage semble avoir du mal à communiquer avec elle, et pourtant le lecteur entre en empathie avec elle (enfin ce fut mon cas !) Elle s’épanouit dans la restauration d’un bateau et la navigation, c’est son domaine, bien plus que celui de Tim, qui gère le quotidien familial.

 

Quand survient le drame, évoqué avec pudeur, Tim perd pied et se réfugie chez ses parents. Il ne parvient plus à communiquer avec Maud. Celle-ci ne semble pas affectée outre mesure par l’accident qui vient de les frapper, mais elle suivra son propre chemin de croix. Déterminée, elle partira seule en mer et affrontera les éléments déchainés, la difficulté de naviguer seule, la solitude dans des conditions extrêmes.

A ce moment du voyage, le récit devient plus technique, le vocabulaire lié à la marine et à la navigation est omniprésent, trop peut-être. Mais l’envie de connaître le dénouement est si fort que l’on passe outre ce petit désagrément.

Maud se reconstruira, transcendera sa souffrance si longtemps intérieure, et la fin laisse entrevoir un espoir.

 

Un roman magnifique, par la force de son personnage féminin et le chemin hors norme choisi. Une très belle découverte.

 

 

(p.149/301) « Nous avions l’habitude dans la famille de parler pas mal de vous. Ça vous surprend ? Deux écoles de pensée, en réalité. Pour l’une, vous étiez une fille brillante, un peu timide, un peu gauche, un peu hors du monde, mais dans le fond très bien. L’autre école, assez importante, vous réduisait à quelqu’un d’insensible, entièrement égocentrique et pas vraiment très bien du tout. Une chose sur laquelle les deux tombaient d’accord, c’était qu’être une mère ne vous intéressait pas le moins du monde.

- Ce n’est pas vrai.

- oh, je pense que si. Je n’ai jamais vu la plus petite marque d’un quelconque instinct maternel. Je ne veux pas dire que vous étiez cruelle. Il aurait fallu un minimum d’engagement pour ça, un certain effort d’imagination. Non, non. Vous faisiez piteusement ce que vous pouviez. Mais il manquait quelque chose. Quelque chose de fondamental. Vous cherchiez à l’atteindre et ce n’était pas là, tout simplement. »

 

 

 

 

 

 

 

 

(à paraître le 24 août 2017)

 

Piranha, août 2017, 304 pages, prix : 19,00 €, ISBN : 978-2-37119-059-7

Existe en numérique au prix de 12,99 €

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Piranha

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Joie - Clara Magnani

19 Juillet 2017, 09:13am

Publié par Laure

Giangiacomo, dit Gigi, meurt d’une crise cardiaque à soixante-dix ans, sans bruit ni douleur, à Rome, en 2014. Sa fille Elvira, qui s’exprime dans la première partie du roman, retrouve un manuscrit qui parle d’une certaine Clara, journaliste belge de vingt ans sa cadette, qui semblait vivre une histoire d’amour avec son père.

Elle contacte Clara afin de lui demander d’écrire la deuxième partie du manuscrit, celle qui devait répondre à la version de Gigi, comme ils se l’étaient promis.

Le roman offre donc ensuite deux parties, celle de Gigi, puis celle de Clara Magnani, personnage central qui porte le même nom que le nom de l’auteur, qui serait un pseudonyme. Troublant dans la mise en abyme.

Le récit s’attache à décrire une histoire d’amour mature et assumée, réfléchie dans sa volonté de ne pas faire souffrir les conjoints et enfants respectifs, de s’offrir une bulle de liberté dans un amour voyageur que leur profession leur autorise au fil de leurs déplacements, lui l’Italien cinéaste, elle la journaliste Belge.

Ode au polyamour, à la maturité amoureuse, c’est un joli texte, empreint de références culturelles, parfois un brin ennuyeux (les gens heureux n’ont pas d’histoire), qui ouvre un vent de passion amoureuse et de liberté, qui démonte avec pudeur et respect l’idée que « la monogamie est un leurre », « d’un côté le vieux modèle monogame, avec son cortège d’hypocrisies et de souffrances. De l’autre, ce tout aussi stupide : life is short – have en affair. Pas si fou, décidément, de rechercher une autre voie ».

 

« Si c’était un sujet d’examen, la question serait : « une femme peut-elle aimer plusieurs hommes sans en trahir aucun ? »

La réponse romanesque est toujours belle.

Un premier roman très court qui donne à voir un moment de joie et de lumière intérieure.

 

Sabine Wespieser, mars 2017, 175 pages, prix : 17,00 €, ISBN : 978-2-84805-214-4

Existe aussi en numérique (11,99 €) et en gros caractères aux éditions à vue d’œil, corps 20, 268 pages, prix : 21 €, ISBN : 979-10-269-0087-0

 

 

Crédit photo couverture : © éd. Sabine Wespieser

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