Les jardins d'Hélène

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Quand la nuit tombe : Lisou – Marion Achard et Toni Galmés (ill.)

8 Avril 2024, 13:26pm

Publié par Laure

Raconté à hauteur d’enfant, ce premier épisode de Quand la nuit tombe, vu par Lisou alors âgée de dix ans, relate la vie d’une famille juive française en septembre 1943, réfugiée du côté de Grenoble. Si elle peut échapper à la rafle ainsi que ses parents en février 1944, c’est grâce à sa sœur Mylaine, qui lui explique comment alerter ses parents alors absents.

La séparation, les dénonciations, l’inquiétude pour les membres de sa famille déportés (Lisou ignore alors encore la réalité des faits), la résistance, l’aide de quelques personnes, la libération enfin, tout est très justement retranscrit.

Ce qui frappe, c’est la clarté, la douceur et la lumière de l’illustration face à un sujet aussi sombre. Comme si l’enfance restait malgré tout protégée et son innocence préservée dans un quotidien que les adultes essaient de rendre le plus ordinaire possible, car la vie doit triompher. On imagine que le deuxième tome à paraître, celui de Mylaine, déportée à Auschwitz, sera plus dur encore.

Un très beau travail, basé sur l’histoire vraie de Lise et Marie-Hélène Veil, grands-tantes de la scénariste Marion Achard. Le dossier documentaire final explique et illustre par des fac-similés la vie de cette famille et de tant d’autres en France à cette période. L’album a obtenu l’aide du CNL et le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Un devoir de mémoire qui est avant tout une histoire de vie, tristement réelle, relatée avec beaucoup de pudeur, et que le neuvième art réussit à sublimer.

 

 

Delcourt, février 2024, 116 pages, prix : 19,99 €, ISBN : 978-2-413-07765-7

 

 

Crédit photo couverture : © Toni Galmés et éd. Delcourt

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La Loi des probabilités – Pascal Rabaté, François Ravard (ill.)

11 Mars 2024, 11:29am

Publié par Laure

Alors qu’il consulte son médecin, Martin Henry apprend qu’il ne lui reste plus que 3 mois à vivre. Il s’agit d’un malheureux quiproquo mais notre bonhomme ne le sait pas. De retour au bureau, il jette un œil sur cette affiche de baleine épinglée au mur et convainc sa femme prof de philo de partir sur le champ voir les cétacés au Canada, sans lui dévoiler son état.

Les aléas se multiplient sur leur parcours, et le couple n’est pas au bout de ses peines quand s’immisce dans leur aventure Séraphin Lanterne, un assureur qui a le chic de se mêler de tout, le casse-pieds insupportable dont on rêve de se débarrasser ! On notera bien sûr la référence à Séraphin Lampion dans Tintin 😉

Dialogues et dessin tout en tonalités de gris bleuté se répondent parfaitement dans ce one shot à l’humour burlesque qui donne pour leçon de vie de ne pas remettre à demain, car avec la loi des probabilités, qui sait de quoi demain sera fait ?

Un album sympathique qui donne le sourire à plusieurs reprises, les quiproquos scénaristiques font boule de neige, accompagnant parfaitement les visages très expressifs des personnages dessinés par François Ravard. On passe un bon moment !

 

 

Futuropolis, août 2023, 86 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-7548-3194-9

 

 

Crédit photo couverture : François Ravard et éd. Futuropolis

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Je suis leur silence : un polar à Barcelone – Jordi Lafebre

28 Février 2024, 11:44am

Publié par Laure

Traduit de l’espagnol par Geneviève Maubille

Eva Rojas est psychiatre, mais pour conserver son poste, elle doit se faire évaluer par un collègue, car il semblerait qu’elle ait un comportement incompatible avec son travail. C’est donc dans le cabinet du Dr Llull qu’elle va raconter sa dernière semaine, et comment elle fut soupçonnée de meurtre.

Une riche famille de viticulteurs, des secrets à protéger, et une personnalité hors du commun pour Eva, qui vit si bien avec ses morts, ces 3 femmes qui lui parlent au quotidien.

Un scénario classique mais enjoué, une construction intéressante : deux récits et temporalités qui s’imbriquent parfaitement et un humour discret et omniprésent, qui aurait osé créer une policière sosie d’Angela Merkel que l’on considère avec tendresse ?

Si j’avais émis des réserves sur son opus précédent (Malgré tout, véritable best-seller) que je trouvais trop feel-good et convenu, j’ai trouvé plus intéressant ce scénario touche à tout : au polar et à la comédie, à l’humour, à la famille, et aux troubles psychiques. Une belle lecture.

 

 

Dargaud, octobre 2023, 109 pages, prix : 19,99 €, ISBN : 978-2-5051-1977-7

 

 

Crédit photo couverture : © Jordi Lafebre et éd. Dargaud

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Béatrice – Joris Mertens

13 Février 2024, 11:10am

Publié par Laure

J’aime les planches grand format de Joris Mertens, ses représentations des villes et des foules, chargées de détails, et son jeu sur les couleurs. Ici, Béatrice - la touche de rouge de l’album - prend le train de banlieue tous les matins pour aller travailler dans un grand magasin de la capitale. Chaque jour elle aperçoit sur son chemin un sac rouge oublié, qu’elle finit par ramasser. Elle y découvre un album photo, avec les photos d’une femme lui ressemblant étrangement, et celle d’un homme avec qui elle semble vivre une grande histoire d’amour.

Je n’en dis pas plus, mais à mon sens, tout est réussi dans cette BD, le dessin, les noirs et blancs, l’utilisation de la couleur, les temporalités, les références aux époques (Béatrice lit Bonjour Tristesse dans les années 60 / Gatsby le magnifique dans les années 30), le scénario (sans texte, hormis de très courts titres de chapitres), la fin surprenante qui sème le doute et laisse faire l’imagination du lecteur. Une réussite, tout comme Nettoyage à sec (2022) que j’avais découvert l’an dernier

Décidément un grand auteur-illustrateur !

 

Rue de Sèvres, mars 2020, 110 pages, prix : 20 €, ISBN : 978-2-81021-625-3

 

 

Crédit photo couverture : © Joris Mertens et éd. Rue de Sèvres

 

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Hypericon – Manuele Fior

11 Février 2024, 19:09pm

Publié par Laure

Traduit de l’italien par Christophe Gouveia Roberto

J’ai été emportée d’emblée par cette somptueuse BD, qui mêle deux temporalités relatives au trésor de Toutankhamon. Octobre-novembre 1922, les fouilles dans la Vallée des Rois à Louxor sont en passe de s’arrêter, faute de découverte majeure. Mais l’archéologue Howard Carter persiste, étrangement guidé par une fleur de millepertuis offerte par un jeune égyptien. Bien lui en prend, car il est à l’entrée de la tombe encore intacte du jeune Toutankhamon.

En parallèle, à la fin des années 1990 à Berlin, Teresa Guerrero, étudiante italienne, obtient une bourse d’études comme assistante scientifique en préparation d’une exposition sur le trésor de ce pharaon. En proie à une insomnie chronique, elle passe ses nuits dans le récit d’Howard Carter. En quête d’un logement stable, elle rencontre par hasard Ruben, un artiste à la personnalité à l’opposé de la sienne.

L’histoire enjambe le XXème siècle, de la découverte exceptionnelle en 1922 à l’expo berlinoise et à l’après. Hypéricon (la fleur de millepertuis) occupe une place symbolique et significative dans le récit, les couleurs de l’album sont belles, chaudes, lumineuses, quoiqu’un peu plus grises et froides à Berlin. Les premiers téléphones cellulaires, les tests VIH, le 11 septembre ancrent le récit dans une époque également.

Entre Histoire et romance amoureuse parsemée de quelques scènes érotiques, c’est un très bel album qu’offre ici Manuele Fior. Le découpage des scènes, la qualité du papier, participent de la réussite de l’ouvrage.

J’ai adoré !

 

P. 67 : « Le sommeil, vous savez ce que c’est ? Une invention de l’homme pour qu’on ne remarque pas la durée de la nuit ».

 

 

Dargaud, novembre 2022, 139 pages, prix : 23,50, ISBN : 978-2-205-08981-3

 

 

Crédit photo couverture : © Manuele Fior et éd. Dargaud.

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Lou ! Sonata 2 - Julien Neel

17 Janvier 2024, 09:09am

Publié par Laure

Lou est désormais une jeune adulte (depuis le tome 1 de Lou ! Sonata où elle était étudiante) et dans ce tome, elle se démène dans l’organisation d’un festival de musique à Mortebouse. 

Comment dire… 

Vivant en campagne, j’ai deux festivals de ce type autour de moi, dont l’un regroupe aussi un espace librairie avec dédicaces, et l’autre a été monté par des jeunes du village. Donc c’est pleinement crédible, mais à part s’agiter dans tous les sens pour brasser du vent, que se passe-t-il dans ce tome ? Oui il faut coordonner l’équipe de bénévoles, oui il faut s’assurer que tout se passe bien en temps et en heure et oui il n’y a jamais rien qui se passe comme prévu, mais délayer cela sur 140 pages sans autre trouvaille au scénario, c’est un peu léger non ? 

Alors oui des personnages reviennent mais il n’y a pas d’interaction avec eux, et si les lectrices de Lou ! vieillissent avec elle depuis le début, elles ne sont pas encore atteintes de dégénérescence visuelle au point de devoir lire des bulles en police de caractère corps 20 si ce n’est 30 sur certaines.

On a l’impression dans ce tome qu’il faut meubler pour arriver jusqu’au cliffhanger final qui annonce un tome 3, mais que c’est laborieux tant il n’y a rien à dire ! Limite j’ai trouvé bien plus intéressant le cahier final qui explique le travail de l’auteur-illustrateur, bien plus fouillé, bien plus recherché, bien plus joli. Est-ce la pression éditoriale ? Commerciale ? Parfois il faut savoir s’arrêter à temps. Même si clairement je n’ai plus l’âge du lectorat visé, en tant que lectrice curieuse je suis très très déçue, et en tant que professionnelle je sais que cette BD va plaire à toutes les petites filles fidèles et qu’elle n’aura pas besoin de moi pour en faire la médiation. Tiens, c’est ce qu’on se dit à chaque ouvrage commercial.

Aïe ça pique. 



 

Glénat, novembre 2023, 144 pages, prix : 17,50 €, ISBN : 978-2-344-04974-7

 

 

Crédit photo couverture : © Julien Neel et éd. Glénat

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Le lou en slip et le mystère du P silencieux - Lupano / Itoïz

2 Janvier 2024, 18:50pm

Publié par Laure

(le loup en slip tome 8, qui se lit tout à fait indépendamment des autres)

Ah la la, Grumo le zozio n’en peut plus de la langue française, de sa complexité et de ses exceptions : Mais pourquoi on entend le P du slip et pas le P du loup ? Pourquoi t’es le lou en slip et pas le loupe en sli ?Pas de panique, les vieilles taupes de l’académie des mots s’y connaissent ! 

Un régal si vous aimez la langue et ses subtilités, l’étymologie et les réparties saugrenues de nos deux compères (éclats de rire garantis), je ne sais pas si cet album va réconcilier les Anciens et les Modernes ou régler vos problèmes d’orthographe, en tout cas il éclaire et amuse, le tout dans un texte très travaillé (bourré d'assonances, de rimes et d’allitérations) et un dessin aux petits oignons. L’Académie Française en prend pour son grade, car la langue, ça vit et on en joue, ça emprunte aux uns et aux autres, on compose, on la tricote, on la détricote. 

Un très bon loup en slip avec ou sans son P.

Bonus : patarder, vous connaissez ? c’est canarder au lance-patates. Sérieux, on se marre avec leur vocabulaire chelou, lexique offert à la fin de l’ouvrage. 

(Livre emprunté en bibliothèque)

 

Dargaud, 10 novembre 2023, 40 pages, prix : 10,95 €, ISBN : 978-2-505-12479-5

 

 

Crédit photo couverture : © Mayana Itoïz et éd. Dargaud

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Le goût de la nectarine - Lee Lai

4 Novembre 2023, 14:46pm

Publié par Laure

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Géraldine Chognard

Max(ine) vit en couple avec une femme trans, Bron(wick). Cette relation les a coupées chacune de leurs parents. Max a une sœur, qui lui confie sa fille Nessie en garde deux jours par semaine pendant qu’elle travaille, depuis sa rupture avec le père de la petite. Max voit bien que sa sœur n’apprécie pas trop sa compagne. 

Bron est mal dans sa peau, n’arrivant pas à faire la paix en elle, embrouillée dans ses relations complexes avec les siens, elle n’a pas revu sa sœur et ses parents depuis des années.

La seule pour qui tout va bien, c’est Nessie ! La fillette ne se pose pas de questions et vit avec bonheur ces moments ludiques avec Bron et sa tante Max, au cours de leurs sorties en forêt notamment où elles laissent libre court à leur imagination dans leurs jeux.

Les aspects relationnels tant familiaux qu’amoureux montrent combien le sujet reste encore difficile pour tous et douloureux à vivre. La fraîcheur de l’enfance qui n'est pas encore conditionnée par les carcans des adultes fait un bien fou, et c’est par son biais que tous les protagonistes vont renouer un peu avec leurs proches et réussir à se parler.

J’ai eu beaucoup de mal avec le dessin, surtout dans ses pages “sauvages” où les personnages dans la course folle du jeu sont déformés et prennent une apparence presque animale, mais j’ai aimé l’aspect monochrome de l’album, dans des tonalités gris bleutées et noires. 

L’anecdote de la nectarine qui donne son titre à l’histoire est une belle image de la vie.  

L’amour, la tristesse, la famille, l’enfance, la joie sont des sujets universels qu’importe l’orientation sexuelle ou de genre, mais cette BD montre combien le poids des traditions et d’une pseudo norme est lourd à porter et à vivre.

 

 

Sarbacane, février 2021, 236 pages, prix : 25 €, ISBN : 978-2-37731-559-8

 

 

crédit photo couverture : © Lee Lai et éd. Sarbacane

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Algues vertes, l'histoire interdite - Inès Léraud, ill. Pierre Van Hove

13 Septembre 2023, 08:37am

Publié par Laure

Algues vertes, l'histoire interdite, BD documentaire publiée en 2019, a été rééditée récemment pour accompagner la sortie du film éponyme.

La journaliste Inès Léraud et l’illustrateur Pierre Van Hove relatent l’affaire de cette pollution capable de tuer hommes et animaux en quelques minutes, et expliquent l’histoire politique et économique de l’élevage intensif en Bretagne, qui a conduit à ce drame écologique et humain.

La loi du silence quand on touche à l’industrie agroalimentaire est sidérante.

Fouillée, documentée (avec de nombreux documents reproduits en annexe), cette enquête est un bel exemple du travail de journaliste ; alliée au dessin qui la rend peut-être plus accessible ou lui ouvre un autre public. Instructif et salutaire !

La BD est un art qui sert aussi à informer et éveiller les consciences !

 

 

La revue dessinée / Delcourt, juin 2019, 159 pages, prix : 21,90 €, ISBN : 978-2-413-01036-4

 

 

Crédit photo couverture : Pierre Van Hove et éd. La revue dessinée / éd. Delcourt

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Résidence autonomie - Eric Salch

3 Septembre 2023, 14:18pm

Publié par Laure

Marc H. est envoyé par Pôle Emploi dans une résidence autonomie en tant qu’agent social, pour deux nuits par semaine. Formé sur le tas par un collègue, il entre immédiatement dans le vif du sujet, et non, il ne sera pas vraiment payé à dormir.

La résidence autonomie, c’est l’étape avant l’EHPAD. Censé aider les résidents à de petites tâches telles qu’ouvrir le courrier, régler la télé, assurer une surveillance la nuit, il fait en réalité le job d’un aide-soignant, voire d’un infirmier. Avec humour (souvent noir, l’humour !), l’auteur dépeint des situations très réalistes, avec des personnes très âgées n’ayant plus beaucoup d’autonomie. Leurs activités et leur prise en charge rappellent le premier âge de la vie : on retombe dans les couches et le coloriage.

Pas spécialement fan du dessin (mais on s’y fait vite), c’est le scénario qui m’intéressait, et de ce point de vue je ne suis pas déçue. Difficile de ne pas s’attacher à ces p’tits vieux, aussi capricieux et exigeants soient-ils, tant pour le travailleur social qui doit se protéger pour ne pas ramener le poids du travail chez lui, que pour le lecteur qui est ou sera confronté un jour ou l’autre à de telles situations pour ses proches ou lui-même. 

 

Un vrai sujet de société qui rappelle le scandale Orpea pas si lointain, mais avec une fin touchante. Respect au personnel de ces établissements !




 

Dargaud, mai 2023, 174 pages, prix : 24,50 €, ISBN : 978-2-5051-1845-9

 

 

Crédit photo couverture : © Eric Salch et éd. Dargaud

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